Trois mois après l’élection d’Erik Jensen à la présidence du Siumut, le principal parti du Groenland, et le revirement de la nouvelle direction du parti sur le projet minier Kuannersuit, à Narsaq, les membres du parlement groenlandais ont voté la tenue d’élections anticipées le 6 avril.
Défait en novembre 2020 à la tête de son parti, le Siumut, par Erik Jensen, le Premier Ministre groenlandais, Kim Kielsen, se trouve dés lors dans une posture instable. Traditionnellement, le président du parti maritaire, en l’occurence le Siumut, dirige le gouvernement groenlandais (le Naalakkersuisut)[1]. Ces dernières semaines, des négociations sont menées par la nouvelle direction en vue de former une nouvelle coalition.
Parallèlement, en janvier, le projet minier de Kuannersuit (Narsaq) entre dans une phase de consultation, qui doit permettre in fine la délivrance d’un permis pour l’extraction de terres rares, d’uranium et de fluorure de sodium. Certain·es y voient, outre une opportunité économique, une des conditions à l’approfondissement de l’autonomie du pays dans sa quête d’indépendance. L’étude d’impact environnemental présentée par Greenland Minerals à l’origine du projet, et son actionnaire chinois Shenghe Resources, a été retoquée à trois reprises avant d’être finalement validée [2]. La consultation publique qui doit se terminer le 1 juin apparaît comme une formalité.
Bien qu’axant son discours sur l’indépendance, la nouvelle direction du Siumut exprime, courant janvier, sa défiance vis-à-vis du projet minier et souhaite le report de la consultation, faisant valoir les conditions sanitaires actuelles, de nature à empêcher certain·es expert·es de s’exprimer [3]. Ce projet, qui inclut notamment la construction d’une centrale de cogénération au diesel est également pointé du doigt sur le plan environnemental et climatique. Il pourrait participer à augmenter les émissions de CO2 du Groenland de 45%. Pour mémoire, à la suite de l’Accord de Paris, le Groenland n’a pas pris d’engagements à la baisse pour ces émissions de CO2. Selon la société australienne Greenland Minerals, le Groenland émet actuellement 9,7t de CO2 par habitant et par an. Le projet minier porterait le niveau des émissions groenlandaise à 13,9t de CO2 par par habitant et par an [4]. Les pêcheurs, les éleveurs et les chasseurs craignent également les risques de pollutions des rivières et des sols.
Pour faire valoir cette nouvelle orientation stratégique, les nouveaux·elles dirigeant·es du Siumut ont engagé des négociations de coalitions avec plusieurs partis minoritaires , dont le parti indépendantiste Partii Naleraq, qui dispose de quatre sièges au Inatsisartut – le Parlement monocaméral groenlandais. Le 8 février, le parti se retire des négociations, invoquant son manque de confiance vis-à-vis des dissensions internes au Siumut [5]. Dans le même temps, la coalition gouvernementale s’effrite, et les démocrates décident de se retirer [6]. Alors qu’au sein des organes de directions du Siumut, Erik Jensen et le président du groupe parlementaire, Hermann Berthelsen, souhaite éviter des élections anticipées [7], mardi 16 février, le parlement exprime un vote défiance vis-à-vis du Naalakkersuisut, ouvrant la voie à la tenue d’élection le 6 avril pour le renouvellement de ses membres [8]. Le même jour, se tiendront les élections locales dans les 5 cinq municipalités du pays. D’après les sondages, Inuit Ataqatigiit, parti classé à gauche et connu pour son opposition au projet minier sur le Kuannersuit, devrait obtenir le plus grands de voix, ouvrant potentiellement une remise en cause du projet minier…[9]